Performance chorégraphique et plastique, oratorio gestuel, monologue surréaliste Swimmingpool est une lecture imaginaire, d’après le journal de l’amour d’Anaïs Nin et les manifestes de Simone de Beauvoir, agrémentée de noyades, ballets aquatiques et ablutions diverses.

Instant de vérité crue, « SMW NO SWP » écarte, le temps de cette performance intimiste, les dispositifs scéniques complexes que la chorégraphe affectionne et qui caractérisent sa production. « SWP… » reprend les thèmes chers à Anna Ventura - féminité et violence contenue, personnages fantasques, imaginaires et terribles, dé-formation du propos chorégraphique par la parole et les images - , ici portés par une femme apparemment fragile dont le discours à la déflagration retenue plonge le spectateur dans un dispositif minimaliste qui tend un miroir pudique aux profondeurs de l’intime.

S’appuyant sur une parole dominante, Swimming pool est un oratorio gestuel, un monologue performé, dans un contexte aquatique, réel ou virtuel.

La danseuse espagnole plonge sans pour autant éteindre sa flamme, se noie dans ses larmes, nage à contre courant et passe de l’autre côté du miroir, s’incarne en une femme prototypique, habillée en tailleur blanc, et nous parle depuis l’intérieur d’une piscine de sa solitude tout en se défendant d’être seule, nous assénant son statut de femme très occupée, une « femme au bord de la crise de nerfs».

Le propos, grave, se love dans une esthétique soignée, comme une forme de pudeur, mettant une distance entre le visuel et la parole violente de cette être qui « perd pied » ; ses noyades et renaissances, comme un mouvement perpétuel, régénérant et puissant.

…à l’intérieur d’une piscine, en Avignon en été pendant le festival ; au Jardin Propice de St Langis les Mortaigne . Dans un aquarium, tel un spécimen rare de sirène apprivoisée aux Vivres de l’Art Bordeaux en septembre 2009. Démultipliée par un dispositif de miroirs déformants et vidéo mapping restituant le milieu liquide au Festival Frasq, Le Générateur, Gentilly.



" Comme on se jette à l’eau ", par Philippe Verrièle

“Le festival, c’est aussi ces moments étranges, en dehors de toute programmation officielle, ouverts à un public un rien surpris de se retrouver là et qui possèdent un véritable souffle ; ce soir-là c’était d’un mistral sec comme une punition. Cela rend la performance, à entendre comme l’effort pour dominer des circonstances contraires, d’Anna Ventura d’autant plus remarquable. Cela s’intitule simplement Swimming Pool et une femme, icone ultra-sexy dans sa jupe de vynil blanc, corsage blanc avec effet de tee-shirt mouillé collant à une plastique impeccable, descend habillée directement dans la piscine pour y expliquer, au micro opportunément suspendu, qu’elle va y aller, qu’elle peut le faire si elle veut, que tout va bien…

On peut qualifier cela de performance, quoique s’étant joué trois nuits de suite, et possédant une cohérence dramaturgique forte, il faudrait plutôt y voir une pièce chorégraphique mixant les textes de la récente création de la chorégraphe interprète, “Talking with Ray Caesar» (2008) et une situation dramatique, réalisée pour un courtmétrage antérieur. Ce que Cunningham appelait un Event. Troublant délire entre Desperate Housewife et poème lettriste, jouant du décalage entre une certaine dramatique et des moyens esthétiques étonnamment distanciés. Une pulsation cardiaque court tout au long de cette dérive, un éclairage étymologiquement glauque, projette des éclats irréels sur le visage lisse de poupée, le texte haché et elliptique vaut autant pour ce qu’il ne dit pas que ce qu’il dévoile. L’adéquation entre un propos et une situation pour une pièce à revoir, si possible…”